N.D de la Rouvière « Cultures » 
Un souffle coopératif au village

le tétaïre officiait en tout cas au Mazel



D'autres témoignages pourront peut-être corroborer ce petit texte... Commentaires attendus !

Au cours d'un passage dans les hameaux du village, j'ai pu écouter au Mazel l'histoire d'une pratique ancienne vécue sur place dans l'entre-deux guerres, que même certaines dames âgées de ce hameau ne connaissaient pas: le recours au «téteur de femme». Après une recherche rapide sur le net, on s'aperçoit que la pratique remonte aux temps anciens comme l'atteste une inonographie importante sur ce sujet (chariteromaine.blogspot.com); un mémoire lui a même été consacré (V.Cabrol, le Tétaïre du Somail). Elle est attestée en Provence et dans les hauts-cantons héraultais.

Une femme en état d'allaiter pouvait, en cas de besoin, faire appel aux services du tétaïre, homme âgé qui circulait et officiait dans les villages pour soulager les patientes qui ne pouvaient ou avaient des difficultés pour dégorger leur lait. Parmi les raisons évoquées, atténuer la douleur de seins engorgés (nourrisson incapable de têter ou mort peu après la naissance), favoriser la montée de lait ou encore aider à la formation des bouts de seins... dans la mesure où le mari, si présent, répugnait à têter lui-même sa femme ! Il va de soi que l'opération s'effectuait en présence d'autres femmes, pour éviter tout malentendu. Celles-ci peuvent donc encore attester de cette pratique, peu connue car restée relativement secrète jusqu'à aujourd'hui...

Citons Valérie Cabrol parlant d'un homme du Somail dénommé Pierre, le dernier tétaïre connu en Languedoc : « Il officiait jusqu'au début des années 40 dans le nord de l'Hérault (et pouvait se déplacer à Béziers), il est mort en 1957. J'ai ainsi pu dresser le portrait de cet homme simplet, jamais sevré, miséreux, incestueux, moqué, dévirilisé, qui tétait les femmes. J'ai pu mettre en lumière cette étrange tétée qui se fait le plus souvent devant la famille et les voisins qui contrôlaient l'office dévolu à cet adulte remplaçant un nourrisson. Cette fonction qui semble s'inscrire dans la sociabilité féminine de la naissance, présente également un volet masculin, c'est le père que le tétaïre remplace auprès de la mère ».

Il est probable que ce Pierre était le tétaïre du Mazel. Notre narratrice nous dit aussi que les dents du brave homme avaient été cassées pour cet office (précision absente des documents trouvés jusqu'ici), pour éviter un mordillement inopportun du sein de la patiente. (MichLang, juin 2011)
Commentaires [Cacher commentaires/formulaire]
Bonsoir,
Je suis l'auteure de l'étude sur le Tétaïre du Somail : je ne pense pas qu'il se déplaçait aussi loin ! Mais fin XIXe début XXe s. j'ai recensé d'autres tétaïres, notamment dans le Gard, c'était une pratique assez répandue ! dont le souvenir s'est très vite effacé mais qui a alimenté une sorte de légende avec des éléments qui servaient à rapprocher le tétaïre du nourrisson (ex. des dents cassées - certains m'ont dit que Pierre s'était fait arracher les dents de devant "pour faire passer le bout" - c'était faux!).
Il n'existe aucune iconographie sur le tétaïre ! je vous mets au défi d'en trouver! Votre illustration est une Charité Romoine : la fille allaite son père condamné à mourir de faim en prison !
Je reste à votre disposition pour plus de renseignements.
V.CABROL
-- MarGab? (2012-02-25 22:20:22)